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samedi 23 mai 2015

Vers un nouvel ordre commercial mondial ?



Un ordre commercial mondial se met progressivement en place avec, au centre, les Etats-Unis.

D’un côté nous avons le TTIP, regroupant  deux zones, l’UE et les Etats-Unis, qui représentent 40% du commerce mondial et 800 millions de consommateurs. L’UE en attend un impact positif d’un demi-point de croissance en plus d’ici 2027. Il en résultera une suppression des barrières douanières (dont les droits sont très variables, jusqu’à 32% dans l’habillement et 42% dans le textile, et un tarif américain prohibitif de 350% par exemple sur le tabac), une harmonisation des normes (surtout pour l’automobile, les dispositifs médicaux, les pesticides, les produits pharmaceutiques… mais il s’agit en fait de créer de nouvelles normes mondiales ; de favoriser l’accès aux marchés publics, les américains étant assez protectionnistes dans les domaines de l’énergie, des transports ferroviaires et l’aéronautique) ;une reconnaissance des appellations d’origine ( un marché très juteux pour l’Union et la France avec des perspective de croissance de 10% par an des échanges avec les Etats-Unis sur le marché des vins, spiritueux et fromages protégés).

D’un autre côté, nous avons l’accord transpacifique (TPP), mis en place en 2010  et composé de douze Etats (notamment Brunéi, Singapour, Nouvelle-Zélande et Chili, le Japon négocie depuis 2011) et qui prévoit la création d’une zone de libre-échange. Objectif : suppression des barrières douanières, création de nouvelles règles en matière de propriété intellectuelle. Bien entendu, il s’agit aussi de contrer l’hégémonie de la Chine.
Le TPP est une priorité économique de Barack Obama qui en défend le potentiel pour les exportateurs américains, les 12 pays de la zone représentant 40% du PIB mondial. Pour le finaliser d’ici la fin de son mandat, le président veut que le Congrès adopte une loi dite de procédure accélérée. Le Congrès réduirait volontairement ses pouvoirs en acceptant de voter rapidement pour ou contre le TPP négocié par l’exécutif, sans pouvoir en modifier le contenu. La procédure accélérée s’appliquerait à tous les accords négociés par le président actuel et son successeur jusqu’en 2018, et potentiellement 2021, ce qui pourrait s’appliquer à celui actuellement négocié avec l’Union européenne (TTIP).

La commission européenne a demandé une « consultation publique » sur internet, de mai à juillet 2014, auprès de 150 000 contributeurs : citoyens, syndicats, ONG et autres représentants patronaux. Le résultat est sans appel puisque 97 % des sondés sont opposés au mécanisme d'arbitrage qui est prévu, qui autorise une multinationale à attaquer un État devant un tribunal spécialisé (ISDS). La commission de Bruxelles a-t-elle compris l’ampleur du désarroi des citoyens européens à l'encontre de l'un des points les plus controversés du traité de libre-échange ?
Pour débloquer la situation, la Commission a proposé notamment d’aller vers la création d’un tribunal international permanent pour régler les litiges liés à l’investissement, la mise en place d’un mécanisme d’appel et la transformation des arbitres en juges nommés pour une période fixe, dans le cadre d’une juridiction internationale indépendante. Pour l’heure, il s’agit d’un vœu pieux. Et quand bien même ?
Au Parlement européen, une majorité d'élus ont déjà formulé des réserves sur l'ISDS, sans aller jusqu'à réclamer son exclusion des négociations. Du côté des 28 capitales, les positions sont très éclatées. Beaucoup de pays souhaitent que la commission accélère les négociations. C'est le cas du Royaume-Uni, de la Pologne et de l’Italie. Un axe franco-allemand serait à l’œuvre pour avancer sur des propositions communes. Le Danemark, le Luxembourg, les Pays-Bas et la Suède partageraient les positions des deux Etats. Le but est de parvenir à un texte définitif avant fin 2015, début 2016, c’est-à-dire avant l’échéance présidentielle américaine.
Ce mécanisme d'arbitrage figure déjà dans un autre accord entre l'UE et le Canada (CETA), finalisé mais non encore validé. A priori, toute renégociation du CETA est désormais exclue. Ce type d’arbitrage est même déjà prévu, sous des formes diverses, dans 1400 accords bilatéraux, dont certains remontent aux années 1950, signés par des États membres de l'UE avec des pays tiers. La France a par exemple signé plus de 100 accords qui contiennent déjà cette fameuse clause, dont 96 sont en vigueur.
Ainsi, au stade actuel des négociations, les affaires seront jugées par des tribunaux d’arbitrage composés d’avocats tour à tour plaignant, avocat de la défense ou juge, et naturellement proches des entreprises qu’ils inciteront même à porter plainte !
Un haut fonctionnaire des Nations Unies, dans le cadre d’une interview au journal The Guardian, prévient même qu'il « faut tirer les leçons du passé. Nous avons déjà vu que dans de précédents traités internationaux, les grandes multinationales ont réussi à bloquer les politiques des gouvernements grâce à l’aide de tribunaux secrets qui opéraient en dehors de la juridiction nationale».
On recense au moins 600 cas où ces « tribunaux » sont intervenus en passant outre la libre volonté des représentants des citoyens. Ainsi, le groupe suédois Vatenfall, dans le domaine de la production d’énergie nucléaire, qui a intenté un procès au gouvernement allemand suite sa décision de démanteler les centrales nucléaires après à la catastrophe de Fukushima. Un autre procès a été intenté contre le gouvernement égyptien par le groupe Veolia, en raison d’une loi qui modifiait à la hausse le salaire minimum et l’empêchait donc d’exploiter les travailleurs égyptiens.

A côté des tribunaux d’arbitrage, la coopération réglementaire est un des points les plus controversé de l’accord. Il s’agit de mettre en place un système de coopération entre les deux continents afin d’assurer, suite à la conclusion de l’accord, une compatibilité entre les règles et normes existantes.
Beaucoup craignent que cette coopération entraîne une « harmonisation par le bas ». Et il y a effectivement fort à parier que les États n’auront d’autre choix que de revenir sur leurs normes juridiques, sociales, sanitaires, environnementales...

Non seulement la démocratie est menacée, mais toutes le normes protectrices actuelles le sont également. Le citoyen n'en a le plus souvent pas conscience. Il a pourtant le droit de savoir et la responsabilité d'agir !

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