Un ordre commercial mondial se met progressivement en place
avec, au centre, les Etats-Unis.
D’un côté nous avons le TTIP, regroupant deux zones, l’UE et les Etats-Unis, qui représentent
40% du commerce mondial et 800 millions de consommateurs. L’UE en attend un
impact positif d’un demi-point de croissance en plus d’ici 2027. Il en
résultera une suppression des barrières douanières (dont les droits sont très variables,
jusqu’à 32% dans l’habillement et 42% dans le textile, et un tarif américain
prohibitif de 350% par exemple sur le tabac), une harmonisation des normes
(surtout pour l’automobile, les dispositifs médicaux, les pesticides, les
produits pharmaceutiques… mais il s’agit en fait de créer de nouvelles normes
mondiales ; de favoriser l’accès aux marchés publics, les américains étant
assez protectionnistes dans les domaines de l’énergie, des transports
ferroviaires et l’aéronautique) ;une reconnaissance des appellations
d’origine ( un marché très juteux pour l’Union et la France avec des
perspective de croissance de 10% par an des échanges avec les Etats-Unis sur le
marché des vins, spiritueux et fromages protégés).
D’un
autre côté, nous avons l’accord transpacifique (TPP), mis en place en 2010 et composé de douze Etats (notamment Brunéi, Singapour,
Nouvelle-Zélande et Chili, le Japon négocie depuis 2011) et qui prévoit la
création d’une zone de libre-échange. Objectif : suppression des barrières
douanières, création de nouvelles règles en matière de propriété
intellectuelle. Bien entendu, il s’agit aussi de contrer l’hégémonie de la
Chine.
Le TPP est une priorité économique de Barack Obama qui en défend le potentiel
pour les exportateurs américains, les 12 pays de la zone représentant 40% du
PIB mondial. Pour le finaliser d’ici la fin de son mandat, le président veut
que le Congrès adopte une loi dite de procédure accélérée. Le Congrès réduirait
volontairement ses pouvoirs en acceptant de voter rapidement pour ou contre le
TPP négocié par l’exécutif, sans pouvoir en modifier le contenu. La procédure
accélérée s’appliquerait à tous les accords négociés par le président actuel et
son successeur jusqu’en 2018, et potentiellement 2021, ce qui pourrait s’appliquer
à celui actuellement négocié avec l’Union européenne (TTIP).
La commission européenne a demandé une « consultation publique » sur
internet, de mai à juillet 2014, auprès de 150 000 contributeurs : citoyens,
syndicats, ONG et autres représentants patronaux. Le résultat est sans appel
puisque 97 % des sondés sont opposés au mécanisme d'arbitrage qui est
prévu, qui autorise une multinationale à attaquer un État devant un tribunal
spécialisé (ISDS). La commission de Bruxelles a-t-elle compris l’ampleur du
désarroi des citoyens européens à l'encontre de l'un des points les plus
controversés du traité de libre-échange ?
Pour débloquer la
situation, la Commission a proposé notamment d’aller vers la création d’un
tribunal international permanent pour régler les litiges liés à
l’investissement, la mise en place d’un mécanisme d’appel et la transformation des arbitres en juges nommés pour
une période fixe, dans le cadre d’une juridiction internationale indépendante.
Pour l’heure, il s’agit d’un vœu pieux. Et quand bien même ?

Ce mécanisme d'arbitrage figure déjà dans un
autre accord entre l'UE et le Canada (CETA), finalisé mais non encore validé. A
priori, toute renégociation du CETA est désormais exclue. Ce type d’arbitrage
est même déjà prévu, sous des formes diverses, dans 1400 accords bilatéraux, dont certains
remontent aux années 1950, signés par des États membres de l'UE
avec des pays tiers. La France a par exemple signé plus de 100 accords qui
contiennent déjà cette fameuse clause, dont 96 sont en vigueur.
Ainsi, au stade actuel des négociations, les
affaires seront jugées par des tribunaux d’arbitrage composés d’avocats tour à tour
plaignant, avocat de la défense ou juge, et naturellement proches des
entreprises qu’ils inciteront même à porter plainte !
Un haut fonctionnaire
des Nations Unies, dans le cadre d’une interview au journal The Guardian, prévient même qu'il « faut tirer les leçons du passé. Nous avons déjà vu
que dans de précédents traités internationaux, les grandes multinationales ont
réussi à bloquer les politiques des gouvernements grâce à l’aide de tribunaux
secrets qui opéraient en dehors de la juridiction nationale».
On recense au moins 600
cas où ces « tribunaux » sont
intervenus en passant outre la libre volonté des représentants des citoyens. Ainsi,
le groupe suédois Vatenfall, dans le domaine de la production d’énergie
nucléaire, qui a intenté un procès au gouvernement allemand suite sa décision
de démanteler les centrales nucléaires après à la catastrophe de Fukushima. Un
autre procès a été intenté contre le gouvernement égyptien par le groupe
Veolia, en raison d’une loi qui modifiait à la hausse le salaire minimum et
l’empêchait donc d’exploiter les travailleurs égyptiens.
A côté des tribunaux d’arbitrage, la coopération réglementaire
est un des points les plus controversé de l’accord. Il s’agit de mettre en
place un système de coopération entre les deux continents afin d’assurer, suite
à la conclusion de l’accord, une compatibilité entre les règles et normes
existantes.
Beaucoup craignent que cette coopération entraîne
une « harmonisation par le bas ».
Et il y a effectivement
fort à parier que les États n’auront d’autre choix que de revenir
sur leurs normes juridiques, sociales, sanitaires, environnementales...
Non seulement la démocratie est menacée, mais toutes le normes protectrices actuelles le sont également. Le citoyen n'en a le plus souvent pas conscience. Il a pourtant le droit de savoir et la responsabilité d'agir !
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