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samedi 2 mai 2015

TCHERNOBYL, 29 ans après...

Près de 29 ans après la catastrophe de Tchernobyl, la députée européenne Michele Rivasi (EELV), l'ancienne ministre de l'environnement Corinne Lepage et l'ancien député européen Dany Cohn-Bendit (EELV) appellent à une "expertise indépendante" sur les conséquences de la catastrophe nucléaire.

Voilà 29 ans que le réacteur 4 de la centrale ukrainienne de Tchernobyl explosait. Le temps fait son office et, sans la terrible piqûre de rappel de la catastrophe de Fukushima, on pourrait presque penser que tout est désormais sous contrôle dans la zone d’exclusion et les villes environnantes. Et pourtant, non.
Sur le site, les autorités ukrainiennes se débattent encore avec les déchets et le confinement du cœur du réacteur. L’ancien centre de stockage intermédiaire pour les combustibles usagés doit désormais être remplacé pour des raisons de sûreté, travaux qui nécessitent déjà 140 millions d’euros de plus que les 300 millions prévus.

95% des matériaux radioactifs dans le sarcophage

Quant au sarcophage du réacteur 4, dont une partie s’était effondrée en 2013 sous le poids de la neige, il ne sera finalement recouvert par une seconde arche de confinement qu’en 2017. Un retard de deux ans qui pourrait être aggravé par un surcoût de 600 millions d’euros. La Banque Européenne pour la Reconstruction et le Développement s’est déjà engagée en novembre 2014 à fournir 350 millions supplémentaires et a avancé une part des fonds du G7. Reste néanmoins un trou de 100 millions d’euros pour compléter un budget total estimé à environ 1.5 milliards d’euros.
On estime qu’il reste à l’intérieur du sarcophage 95% des matériaux radioactifs qui étaient présents dans le réacteur quand il fonctionnait, seuls 5% s’en étaient échappés, contaminant une majeure partie de l’Europe. Les risques d’un redémarrage des réactions nucléaires en chaîne par contact avec l’eau ou de dispersion des poussières radioactives par effondrement du toit du sarcophage justifient donc un tel chantier. Et le résultat est à la hauteur des enjeux : colossaux. Le sarcophage initial (construit à la va-vite pendant la catastrophe) n’étant plus hermétique et risquant de s’effondrer, une arche métallique de 25 000 tonnes et de 108 mètres de haut permettra de confiner les matières radioactives et empêcher l’infiltration d’eau…pour un siècle encore.
Impuissance aussi du côté des territoires contaminés, au-delà de la zone d’exclusion de Tchernobyl. Depuis 1991, plus de 60 millions d’euros ont été dépensés par la Commission Européenne pour arriver à mieux comprendre les effets impacts environnementaux et sanitaires des radiations et de la contamination. Une banque d’échantillons a par exemple été créée (la Chernobyl Tissue Bank) pour étudier l’impact des radiations sur les tissus et essayer d’apporter un peu de lumière sur l’augmentation avérée des cancers de la thyroïde et du sein, mais aussi les risques de leucémie liés aux radiations.
Jusque-là, rien de concluant : les scientifiques se débattent avec des problèmes de représentativité des échantillons, avec une absence de registres des cancers et surtout, avec la partialité des gouvernements ; quand les chercheurs ne sont eux-mêmes pas directement liés à l’industrie nucléaire.

Entre flou scientifique et magouilles du lobby nucléaire

Cette partialité (et l’interprétation des résultats qui s’ensuit) est particulièrement criante quand on aborde le sujet hautement controversé de la "réhabilitation" des territoires contaminés. Il y a un an, Michèle Rivasi avait dénoncé le manque de transparence de projets comme CORE (Coopération pour la REhabilitation) et surtout de son volet "santé". Depuis, l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) a indiqué qu’aucun résultat ne serait communiqué avant publication dans une revue scientifique. 7 ans après la fin du projet, toujours pas de rapport d’activité ni d’accès aux résultats d’un programme pourtant financé dans son ensemble pour plus d’un million d’euros par l’Union Européenne !
L’IRSN stipule désormais que les bilans de santé réalisés sur les 3000 enfants du district de Chechersk "ne s’apparentai[en]t pas à une étude épidémiologique". Voilà qui préfigure de la teneur des résultats, bien loin des premières informations sur l’anémie publiées par des partenaires norvégiens du projet. Partenaires qui évoquent d’ailleurs pudiquement une "rupture du contact" avec les Français depuis 2010.
Entre flou scientifique et magouilles du lobby nucléaire (rappelons une phrase qui nous a été rapportées : l’étude ferait "peur aux parents"), la Commission Européenne - encouragée par notre détermination et l’activisme institutionnel de Michèle Rivasi - a tout de même débloqué 4 millions d’euros pour la création d’un centre écologie et santé dans le district d’Ivankov, un des plus contaminés d’Ukraine. Des appareils de mesure ont ainsi été fournis à l’hôpital principal pour permettre aux familles d’avoir un suivi régulier de l’état de santé de leurs enfants et étudier leur contamination interne en radioéléments et métaux lourds.
Sous la houlette du Professeur Youri Bandajevsky, 3085 enfants de la deuxième génération (ceux nés après la catastrophe) ont été suivis. 81.9% d’entre eux sont atteints de problèmes cardiovasculaires (arythmie, tachycardie) qui les empêchent d’avoir une vie normale et les prive de toute vitalité. L’enjeu est maintenant de comprendre si ces problèmes sont liés à une fragilité génétique transmise ou s’ils sont dus à la contamination interne par ingestion d’aliments contaminés. Il est primordial d’en savoir plus pour mieux traiter les victimes et prendre les décisions qui s’imposent.
Certes, ces avancées peuvent sembler dérisoires face au mal qui afflige l’ensemble des victimes de la radioactivité. Mais au moins verra-t-on une expertise indépendante naître parmi les Ukrainiens, avec à la clef, enfin, une véritable vision sur l’ampleur de la catastrophe.


Michèle Rivasi, Corinne Lepage et Dany Cohn-Bendit

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