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dimanche 11 octobre 2015

TTP, TTIP, ALENA et autres entorses à la démocratie...



Douze pays de la région Asie-Pacifique se sont accordés, lundi 5 octobre, sur un traité de libre-échange discuté depuis 2008 (TPP ; voir article plus ancien). Mais sans la Chine et sans l’OMC. Ensemble, ils pèsent 40% du PIB mondial et un tiers du commerce planétaire.
Les partenaires commerciaux traditionnels de la Chine se sont ainsi rapprochés des Etats-Unis. Un alignement des normes environnementales et salariales sur des standards américains serait même prévu même s'il existe un risque de disparition totale ou partielle de certains secteurs agricoles traditionnels. L’accord prévoit notamment une ouverture substantielle des marchés des produits agricoles pour le Canada, les États-Unis et le Japon (sucre, du riz, du fromage ou bœuf).
Il reste toutefois à obtenir l’accord du Congrès américain.

Le TPP fait suite à l’Accord de libre-échange nord-américain (Alena) conclu dans les années 1990. Les Etats-Unis sont donc une fois de plus à l’origine de la définition des règles du jeu du commerce mondial.
C’est plusieurs accords régionaux de commerce et d’investissement qui sont en cours de négociation avec le Partenariat transatlantique pour le commerce et l’investissement (TTIP), qui se trouve ainsi relancé, ou l’accord déjà conclu entre le Canada et l’Europe.
Bien entendu, le texte négocié du TPP reste confidentiel et tous les documents sont considérés comme non divulgables pendant encore quatre ans. 

Le TPP, comme le TTIP, prévoient des mécanismes d’arbitrage privés (ISDS), c’est-à-dire un système juridique parallèle aux juridictions nationales, offrant la possibilité aux entreprises de les contourner. Les arbitres ne sont toujours pas des juges publics et les conflits d’intérêts ne sont pas réglés puisque les arbitres continueront de provenir de sociétés d’avocats d’affaires strictement intéressées par un système très lucratif.
L’ISDS reste un système qui fait peser sur les États et les contribuables la menace de très lourdes sanctions financières. L’ISDS est d’abord un outil pour faire pression sur les collectivités territoriales, les États ou les institutions européennes afin de geler les législations qui leur déplaisent.
Ces sanctions ne sont pour autant pas nouvelles. Ainsi, en 2014, l’Organisation mondiale du commerce (OMC) a par exemple condamné les Etats-Unis pour leurs boîtes de thon labellisées « sans danger pour les dauphins » et pour l’indication du pays d’origine sur les viandes importées, ces mesures protectrices étant considérées comme des entraves au libre-échange. Elle a aussi infligé à l’Union européenne des pénalités de plusieurs centaines de millions d’euros pour son refus d’importer des organismes génétiquement modifiés (OGM). Mais, avec ces accords, les multinationales pourront poursuivre en leur propre nom un pays signataire dont la politique aurait un effet restrictif sur leur commerce.
On a également pu voir récemment des sociétés européennes engager des poursuites contre l’augmentation du salaire minimum en Egypte ou contre la limitation des émissions toxiques au Pérou.

Il n’y a pas de limite aux pénalités qu’un tribunal peut infliger à un Etat au bénéfice d’une multinationale. Il y a un an, l’Equateur s’est vu condamné à verser 2 milliards d’euros à une compagnie pétrolière. Selon la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement (Cnuced), le nombre d’affaires soumises aux tribunaux spéciaux a été multiplié par dix depuis 2000. 
Comme toujours, les lobbies exercent une grande pression pour la conclusion de ces accords, tel le Trans-Atlantic Business Council (TABC), forum permanent qui permet aux multinationales de coordonner leurs attaques contre les politiques d’intérêt général. Monsanto ne cache d’ailleurs pas son espoir que la zone de libre-échange transatlantique permette d’imposer enfin aux Européens son catalogue de produits OGM en attente d’approbation.
Il en va de même avec les gaz à effet de serre. L’organisation Airlines for America, qui représente des transporteurs aériens américains, a établi une liste des règlements qui leur portent préjudice, principalement le système européen d’échange de quotas d’émissions, qui oblige les compagnies aériennes à payer pour leur pollution au carbone. Bruxelles a provisoirement suspendu ce programme.
Mais c’est dans le secteur de la finance que la pression est la plus importante. Cinq ans après la crise des subprimes, les principaux acteurs financiers considèrent que la régulation de l’industrie financière n’avait plus lieu d’être.
Côté américain, on espère surtout que le TTIP enterrera le projet européen de taxe sur les transactions financières. La Commission européenne estime déjà que cette taxe n’est pas conforme aux règles de l’OMC.
Enfin, le TTIP entend ouvrir à la concurrence à d’autres secteurs notamment d’intérêt général. Les Etats signataires se verraient contraints non seulement de soumettre leurs services publics à la logique marchande, mais aussi de renoncer à toute intervention sur les fournisseurs de services étrangers qui convoitent leurs marchés. Les marges de manœuvre politiques en matière de santé, d’énergie, d’éducation, d’eau ou de transport se réduiraient comme peau de chagrin.

Pourtant peu de réaction en Europe. A l'exception d'une manifestation monstre qui a eu lieu samedi 10 octobre 2015 à Berlin pour protester contre le TTIP. L'opposition au Partenariat transatlantique de commerce et d'investissement ne cesse ainsi de croître en Allemagne. 250.000 personnes auraient participé au rassemblement, soit davantage que prévu. La police parle de 100.000 participants. Il s'agit de "la manifestation la plus importante que ce pays ait vu depuis de nombreuses années", a lancé aux manifestants Christoph Bautz, directeur de Campact, un mouvement de citoyens. 

Et si d'autres initiatives citoyennes suivaient ? Pourquoi ne pas y croire après tout ? Il s'agit sans aucun doute d'un des sujets de mobilisation les plus urgents et des plus importants pour notre avenir. 

A bon entendeur...